Pour ceux qui n’ont pas pu être présents lors de notre série de concerts à la salle Poirel – où Nicolas André et l’orchestre symphonique de Nancy interprétaient la symphonie du nouveau monde de Dvořák, en miroir avec la version revisitée d’Accordzéâm – voici quelques pistes pour en découvrir la saveur…
Bien sûr, si vous avez déjà le disque Accordzéâm Symphonique chez vous, il vous est déjà facile d’imaginer le spectacle dans sa version vivante :)
Dans le cas contraire, pourquoi ne pas écouter notre Valse Tatin en continuant votre lecture…
Nous vous invitons tout d’abord à découvrir les magnifiques dyptiques réalisés par la photographe Anaëlle Trumka.
(Merci de la contacter avant toute utilisation)
Et pour compléter les images, quelques mots bien choisis devraient vous satisfaire :
Voici les notes du programme distribué à l’occasion des concerts (éditées par Didier Henry / Opéra National de Lorraine)
Antonín Dvořák(1841-1904)
Symphonie n°9 en mi mineur, opus 95, « du Nouveau monde »
Adagio. Allegro molto – Largo – Molto vivace – Allegro con fuoco
« Ceux qui ont le nez sensible décèleront l’influence de l’Amérique », écrivait Dvořák avant de mettre un point final à sa Neuvième Symphonie, composée à New York de janvier à mai 1893 et créée quelques mois plus tard, en décembre, à Carnegie Hall sous la baguette d’Anton Seidl. Modeste, il déclara qu’il avait « simplement écrit des thèmes personnels, leur donnant les particularités de la musique des Noirs et des Peaux-Rouges ; et je les ai développés au moyen de toutes les ressources du rythme, de l’harmonie, du contrepoint et des couleurs de l’orchestre moderne… »
Les critiques musicaux se sont longtemps demandé si les thèmes américains de la Symphonie du Nouveau monde étaient originaux. Dvořák a-t-il vraiment entendu des chants indiens ? La mélodie en sol majeur du premier mouvement est-elle vraiment une citation du célèbre spiritual « Swing low, sweet chariot » ? Ou bien faut-il seulement parler, à propos des rythmes syncopés, des couleurs modales, et des gammes pentatoniques qui parcourent la partition, de « style » américain ?
Pendant l’été 1893, juste après avoir écrit sa symphonie, mais en pleine composition de son douzième quatuor à cordes – dit, lui aussi, « Américain » – Dvořák passa quelques jours de vacances dans la bourgade de Spillville, dans l’Iowa, où résidait une importante communauté tchèque. Car parmi les millions d’Européens qui ont émigré aux États-Unis entre le début du XIXème siècle et les années 1940, environ six cent mille sont venus de Bohême et de Moravie. Or ces nouveaux arrivants avaient aussi emporté leur musique avec eux…
Ce n’est donc pas seulement l’Amérique que Dvořák évoque dans cette symphonie, c’est aussi, c’est toujours l’Europe Centrale. Tout cela ne l’empêche pas de rendre hommage, dans son troisième mouvement, au scherzo de la Neuvième Symphonie de Beethoven… Quant à l’admirable finale, qui brasse en un tourbillon impétueux les principaux thèmes de l’œuvre, juxtaposant spirituals et airs populaires tchèques, il réalise tout simplement la synthèse musicale de l’ancien et du nouveau continent.
Ce grandiose voyage musical a inspiré à son tour le groupe Accordzéâm. Depuis plus de vingt ans les cinq musiciens arpentent avec autant d’humour que de sérieux les domaines de la musique traditionnelle, mais aussi du baroque et du rock, de l’électro et du classique. Le succès public de leur version du quatrième mouvement de la Symphonie du Nouveau monde leur a donné le désir d’arranger toute la partition, certes de façon facétieuse, mais toujours fidèle au compositeur et à son esprit d’aventure. Il suffisait d’ajouter un mot : Symphonie du Nouveau monde et d’ailleurs.
« Nos amis d’Accordzéâm et nous-mêmes allons jouer la même œuvre, précise le chef d’orchestre Nicolas André. L’orchestre donnera une lecture la plus proche possible du legs cédé par Dvořák, et ainsi se fera le porte-parole, le traducteur fidèle de sa volonté ; alors qu’Accordzéâm, grâce au talent qu’on leur connaît, s’amuse à casser les conventions et propose une lecture totalement nouvelle de cette œuvre. Comme Dvořák, qui est allé imiter les mélodies et harmonies populaires du Nouveau monde, ils vont épicer leur discours grâce aux musiques de l’inconscient collectif et rendre ainsi la démarche de cet immense compositeur définitivement moderne et actuelle. »
Ainsi se tisse au fil des musiques une réflexion sur la forme du concert, et une lecture inédite d’un des chefs-d’œuvre du répertoire symphonique classique et romantique. Car le paradoxe n’est qu’apparent entre une conception d’ensemble relativement traditionnelle et « européenne », et le souffle lyrique qui anime de bout en bout la Symphonie du Nouveau monde. C’est bien ce lyrisme, porté par une orchestration lumineuse, qui sut séduire le public, d’abord américain, puis du monde entier, et qui dans la diversité de ses interprétations continue de nous enthousiasmer.